Drago Malfoy referma le journal d’un coup sec et agacé. Il se leva du siège miteux sur lequel sa carcasse s’était péniblement échouée dans un inconfort total. Les méandres de son esprit se perdaient devant l’esquisse d’une multitude de questions restées sans réponses. Ses traits fatigués se détournèrent du dernier espoir du monde sorcier, Severus Rogue le lui avait confié juste avant de tomber dans les voluptés atroces de la mort par torture. Il lui avait fait confiance malgré la délicate position que Drago avait adoptée en se liguant au Lord Noir. L’ancien directeur de Poudlard avait vu en lui l’espoir, alors que lui-même avait douté de sa propre personne, le legilimens avait dû deviner que devant le carnage de la mégalomanie du Seigneur des Ténèbres, Drago ne resterait pas insensible sans tenter quoique cela soit pour réparer les erreurs de sa jeunesse. En effet, laissé à lui-même la nuit, fragile, il ne pouvait effacer le souvenir du visage soumis de l’Elu agenouillé devant Celui-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom, lorsque le sortilège de l’Impérium frappa de plein fouet le frêle buste de l’adolescent. Drago ne s’y prenait guère mieux avec l’image de la pile de cadavres laissée à l’abandon devant la grande porte du château, des corps qui lui étaient familiers, s’était les autres sorciers de l’école qui avaient tenté de résister aux côtés d’Harry, tous morts, Granger, Wesley et d’autres…tant d’autres, devenus anonymes au moment même où les sortilèges mortels leurs dérobaient le feu de la vie.
Poussé par un profond sentiment de réussite, il s’était laissé tenter par les fourbes arguments de Voldemort, sans même y réfléchir une seconde aux conséquences mortelles et réelles de ses actes. Il s’était indigué à un poison mortel qui avait rongé le royaume de la magie brusquement et violement, provoquant des spasmes et des pertes partout sur le territoire anglais, lapidant tous les élèves de l’école, l’intégralité des membres de l’ordre du Phénix et toute autre forme de résistance. Il ne restait que ceux comme lui, qui s’était liés aux Mangemorts ou ceux qui étaient emprisonnés dans les tréfonds noirâtres des cachots, expiant leur dernier souffle sous l’effluve de l’ultime torture. Cela faisait 4 ans que l’espoir avait été happé à cause de lui, que des innocents étaient morts futilement, la lune était tâchée de sang … Il était temps que cela prenne fin, Malfoy devait au moins tenter l’improbable et renverser le Lord de l’intérieur, sans que ce dernier ne puisse guetter un quelconque signe de faiblesse de sa part. Faisant quelques pas, il reprit le journal qu’il rangea sous une latte du parquet de la maison, avant de quitter les lieux comme si sa présence n’avait été que songe. La maison coincée entre deux grandes villas moldues, devint invisible par le sort à peine murmuré des lèvres du maître des lieux et déjà que Malfoy s’évanouissait dans la nuit froide, sous le claquement du vent.


- Tu es en retard. Ou étais-tu ? lui demanda l’homme qui n’avait pas connu un bon rasage depuis des semaines.
- Je n’ai pas à te rapporter tous mes déplacements Weston, répliqua Drago Malfoy sur un ton acerbe.
- Je ne te fais pas confiance Malfoy.
- Et pourtant le Seigneur des Ténèbres, lui, oui. Cela ne te suffit donc pas ?
- …
- Laisse-moi passer, je dois le voir. J’en suis chargé, ne comprends-tu pas ce que cela signifie ?
- Très bien. Mais dépêche-toi.
- Je prendrai le temps qu’il faudra. Et ne proteste pas, je ne te demande pas ton avis !

Le jeune blond fit claquer ses chaussures sur le sol miteux en signe d’impatience, son regard froid regarda un des collaborateurs du régime avec une narquoise arrogance. Weston était un petit homme trapu et imbu de pouvoir, son piètre poste de gardien de prisonniers l’égarait souvent sur sa véritable importance au sein du régime, ce qui avait le don d’agacer Malfoy et d’autres Mangemorts qui se rendaient souvent à la Prison. La Prison n’était pas Askaban, cette dernière était trop officielle et pas assez cruelle pour recueillir des prisonniers comme le soi-disant « Elu », c’était à ce dernier que Drago rendait visite. Le plissement sur son nez traduisait le malaise qu’il ressentait à l’instar de cette visite, Drago n’appréciait pas de revoir Harry dans l’état pitoyable de simple jouet auquel Voldemort l’avait réduit, préférant en faire un simple jouet plutôt que le détruire et entre la mort ou cette torture quotidienne le choix était aisé d’opter. Le jeune blond se demandait par quoi il avait pu passer quand la porte se déverrouilla enfin et en s’effaçant laissa apparaître la silhouette détruite de l’homme qui avait le même âge que lui et qui pourtant par ses épaules voutées, ses cheveux débraillés ressemblait à un trentenaire.